La Voix Sans Maître : 2021-12-03

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Agenda

Entretien avec Margot Verdier

Aux éditions du croquant, «Le commun de l’autonomie, Une sociologie anarchiste de la ZAD de NDDL».

Commencé à s’y intéresser en 2012, la ZAD alors médiatisée, pendant l’opération César. Année de début de thèse… L’individualisme dans les squats aux Pays-Bas pour faire suite à un mémoire sur Amsterdam.

Thèse accessible en ligne

Passage à la ZAD en janvier pour un festoche, très gadoueux. Découverte de «La Chataigne» pour un entretien informel/exploratoire. Sentiment de lutte historique. Rare qu’il y ait une commune de squats. Question du vivre ensemble ou liberté individuelle radicale. Des personnes qui souvent se sont installées seules, pas des groupes… mais pratiques collectives.

17m

La ZAD… au passé ? Expériences éphémères, ayant plusieurs périodes. Deux ? que Sylvaine Bulle appelle la ZAD originelle (2012-2014), et la néo-ZAD (2017) avec le CMDO et une volonté d’une partie des occupantEs (citoyennistes et paysannes) de centraliser l’organisation, unifier, formaliser, pour des enjeux d’efficacité de prises de décisions et des objectifs.

19m20

Peu d’études sur la période qui précède. ZAD en lutte depuis les 70’s.

La mémoire de la ZAD l’a érigée en un autogouvernement des communs. Expression tirée d’un article de presse, qui s’est un peu répandue. Mais cette notion ne traduit pas l’histoire de la ZAD, les communs étant des infrastructures collectives gouvernées sur des bases démocratiques. Observée dans les assemblées “Sème ta ZAD” pour gérer une bonne partie des productions du non-marché (produits mis à disposition gratuitement sur la ZAD).

Le livre parle de cette tension entre collectifs et individus, et d’organisation : formes souples, informelles, pour que l’individu soit le plus libre,empêcher le pouvoir des assemblées plus formalisées, qui connaissent mieux les codes militants. Critique des assemblées formelles et donc de toute forme de gouvernement, qui reproduirait le théatre du pouvoir. A l’inverse du souhait de formalité, qui aiderait aux décisions.

Ce n’est pas une divergence absolue, tout ce monde est anti-autoritaire, en recherche d’autonomie (dont matérielle), critique des intermédiaires. Avis plutôt partagés.

Pour les uns, pas de sacrifice des dialogues informels, aux champs, pour l’écriture d’un texte. Les temps formels viendraient les compléter. Pour d’autres, méfiance à l’égard de ces temps formels. Des réunions formelles … dont certaines plus informelles, plus légitimes. Echange d’informations sur la lutte et le quotidien, les conflits, avec peu de prises de décision.

musique

35m

Efficacité ? A la fois pour la production des ressources (très efficaces, dont Sème ta Zad), et au niveau politique. Gestion des déchets plus problématique, sur les tâches pénibles qui n’impactaient pas les personnes directement. En terme de lutte, être coordonné. Enjeu d’avoir un discours commun face aux médias pour contrer les représentations négatives. Tout en respectant la parole individuelle, éviter les représentations collectives, refuser radicalement le principe des portes paroles, ne pas signer les discours. Prise de décision qui ne serait pas contestée après coup. Critique autour de la destruction des barricades. Flics partis, la barricade gênant l’accès aux champs, engins agricoles ne pouvant pas passer. Réunion de tous les opposants à la lutte qui prend cette décision, pour y avoir un portail pouvant se refermer. Une dizaine de personnes se sont assises dessus pour éviter qu’elle soit détruite. Embrouilles… semaines de débat, controverses écrites. D’un côté, il fallait respecter les décisions. De l’autre, décision prise, mais… contexte où la prise de parole n’était pas simple. Débats qui suivent concernent les inégalités à la ZAD (origines sociales, parcours des gens…) qui persistent.

44m : musique

47m

Histoire pleine d’embrouilles. Reraconter un truc conflictuel. Bouquin de Gwenola Ricordeau, dépossession par la justice de la gestion des conflits ? Oui, à chaque critique du vote, valorisation du conflit. La prise de décision au consensus. Discuté dans le milieu anarchiste anglo-saxon, la prise de décision au consensus n’est pas le consensus, rarement atteignable, l’enjeu étant l’absence d’opposition formelle. Chapitre sur l’orga politique du bouquin. Permettre à l’individu d’entrer en désaccord avec le groupe. Permet l’expression de la dissidence. Ouvre des espaces de pratiques pluralistes. Multiples possibilités soutenues par des groupes, qui pourront l’appliquer : on ne veut pas que EELV se ramène avec ses drapeaux pour dire “la ZAD c’est nous”… désaccord sur les formulations, et bien les 4 versions sont publiées. Place importante du conflit. Droit de déroger au monde commun.

53m

Qu’est-ce qu’une sociologie anarchiste ? Anthropologie anarchiste, Pierre Clastres, Charles J-H MacDonald, James C. Scott, David Graeber, Uri Gordon.

Catégories utilisées par la science sociale pour penser les pratiques économiques, politiques, etc, ne permettent pas d’analyser une organisation anarchiste, car ces catégories sont fondées sur des modèles autoritaires.

En gros, la sociologie, et donc la science politique, se représentent le monde comme un grand partage entre les communautés traditionnelles, où l’individu est gommé par le groupe, des sociétés modernes, individualisées, l’individu vu comme un danger car créateur de conflit, qui menace l’ordre social. L’État y arbitrerait ces passions. Communautés sans États, sociétés à États. L’anthropologie a déjà montré que les communautés où chacun.e se ressemble est une abhération. La plupart des anthropologues sont arrivés avec les colons.

Sociologie anarchiste car n’utilise pas ces catégories, sans chercher de formes de mise en commun, mais revenir au lien social, relations dans la vie quotidienne. Démarche inductive, ne pas être en train de vérifier une hypothèse. Quelles relations ? économiques, spatiales, d’échanges… pour conclure que la ZAD n’est ni une communauté ni une société, mais une organisation sociale fragmentaire, assez typiquement anarchiste et aussi non-occidentales (C. MacDonald). Orga sociale où une collection d’individus construisent des fragments, le groupe n’est jamais unifié, pas d’autorité centralisée (pas collective) ni oligarchique avec une minorité au pouvoir.

Playlist

  • McKea - Gente de barrio
  • Sofía Gabanna & Hard GZ - Vivimos deprisa